Je quite la Bolivie avec des souvenirs uniques et inoubliables. Après avoir fait tamponner mon passeport au poste de douane bolivien, je rejoins la frontière officielle chilienne. Non loin de là, se trouve le chantier quasi terminé d’un futur poste douanier chilien (Ito Caron). Il est encore impossible d’obtenir un tampon dans ce centre. Un « officiel » présent parmi les ouvriers répond à mes interrogations concernant l’immigration au Paso de Jama pour rejoindre l’Argentine. Selon lui, je n’ai pas besoin de descendre jusqu’à San Pedro de Atacama pour obtenir le tampon d’entrée au Chili, juste à expliquer aux douaniers ma situation. Lui faisant confiance, je me lance alors dans l’ascension du col. Les paysages sont enneigés, les températures froides sont largement compensées par le soleil.
Je choisis de passer la nuit sur un mini belvédère/parking pour me protéger du vent. Alors que je plante ma tente, une voiture s’arrête, il s’agit d’une famille franco-chilienne qui revient au Chili. La mère me demande si je souhaite des fruits (il ne leur est pas autorisé de les ramener au Chili). Ils me préviennent aussi que les nuits sont en général glaciales. Effectivement, à mesure que le soleil se couche, les températures commencent à chuter, incitant à rapidement aller se réfugier dans la tente. Le lendemain, impossible d’en sortir avant le lever complet du soleil. Alors que je petit-déjeune, deux minibus de touristes se garent près du belvédère. Ils viennent y faire leur pause petit-déjeuner. Je deviens malgré moi la curiosité du matin mais comme toujours, cela a quelques avantages comme celui de partager leur repas (oui on a bien compris que j’aime manger 🙂 ) On m’aide aussi à dégeler mes gourdes avec l’eau de leurs thermos. (Les clémentines et les pommes offertes la veille sont d’ailleurs de vrais cailloux ).
La route menant à la frontière est encore longue. Au fur et à mesure, qu’on descend en altitude, les décors enneigés laissent progressivement place à des paysages arides. Je rejoins le poste frontière du Paso de Jama à la tombée de la nuit. Le gendarme à l’entrée souhaite voir mon passeport. Je lui demande si le fait de ne pas avoir de tampon chilien pourrait poser problème. A sa grimace, je sens que oui (Techniquement je suis au Chili, donc oui…). Il contacte ses supérieurs avec son talkie walkie, je sens que ça ne va pas être aussi simple que je l’avais espéré : mes premières empanadas argentines tant espérées et idéalisées durant mon périple bolivien attendront encore un peu ! Le militaire me dit que je dois me rendre à l’intérieur du poste sans mon vélo qui doit rester de l’autre côté de la barrière. Le poste de douane est plutôt un grand complexe qui effectue les entrées et les sorties à la fois du Chili et d’Argentine, une organisation très efficace, du moins quand on n’a pas affaire à des petits grains de sable. Le douanier chilien alors prévenu de mon problème me demande mon passeport. Un passeport qui ne présente alors aucun tampon chilien, il fronce les sourcils et me dit que je suis rentré illégalement sur le territoire chilien. Je dois alors expliquer que j’ai quitté la Bolivie la veille, que je ne voulais pas descendre les 2000m de dénivelé jusqu’à San Pedro pour les remonter aussitôt. Ce qu’il n’aime pas du tout, c’est que le tampon de sortie bolivien date de plus de 24 heures. Il faut alors expliquer que 120km à vélo à plus de 4000m d’altitude ne se font pas en deux heures. Les douaniers chiliens et argentins se passent alors mon passeport de main en main. Certains émettent l’idée que je fasse du stop pour faire tamponner mon passeport à San Pedro. Finalement, ils commencent à accepter un peu plus la situation, l’ambiance se détend et ils finissent par accepter de faire les trois tampons (Entrée Chili/Sortie Chili/Entrée Argentine). Chacun ayant une fonction attribuée, les douaniers se passent le passeport et effectuent à tour de rôle les tampons. J’aurai donc officiellement séjourné au Chili moins d’une minute ^^

Les douaniers commencent à prendre la situation avec le sourire
Ayant maintenant légalisé ma situation, je vais dormir dans le seul petit hotel de Jama à la recherche d’un peu d’hygiène 🙂 Il n’y a pas de wifi et toujours pas de réseau téléphonique à cette altitude. Le lendemain, après avoir rassuré mes proches avec le wifi de la station service (17 jours sans nouvelles…), je me lance à l’assaut de l’Argentine, sixième et dernier pays du voyage. La route est relativement monotone mais les paysages sont très sympathiques. Derrière une gigantesque motte de terre près de la route, l’endroit est parfait pour planter la tente et y passer une première nuit.
Arrivée sur Susques au lendemain dans l’après-midi, un petit village dans lequel il est possible de retirer les premiers pesos. Le peso argentin est en chute libre (20 pesos l’euro contre 10 deux ans auparavant et 1 dix ans encore avant!) à tel point qu’il vaut peut-être pas mieux retirer trop d’argent…

Les pièces de 1 peso étant devenues très rares, le rendu de la monnaie se fait avec les moyens du bord :O
Je loge alors dans un petit hôtel simple mais confortable (Cactus Hostal). Je fais la rencontre d’un baroudeur anglais, Stephen, qui parcourt le monde à pied et en auto-stop depuis près de vingt ans alternant les périodes de voyage et de travail (dernier emploi : prof d’anglais en Indonésie).
Le soir, nous allons manger dans un mini kiosque de « comidas rapidas« . Devant les prix très faibles, les excès sont inévitables. N’étant pas rassasié, je repars personnellement avec deux douzaines d’empanadas, Stephen avec quelques équivalents argentins de hotdogs (« for breakfast » me dit-il. Ah les anglais…). Il se réveillera assez tôt le lendemain pour tenter sa chance au stop auprès des camionneurs se rendant au Chili, j’ai pour ma part l’objectif de rejoindre les Salinas Grandes, un désert de sel sur l’Altiplano argentin. La route menant à cette étendue salée est incroyablement droite et monotone.

Salinas Grandes
La fin de l’altiplano approche… Après le salar, il reste un dernier col (Cuesta de Lipan, 4120m). Il y a 700 mètres de dénivelé positif, le fait d’avoir sous-estimé (voire pas pris en compte !) ce col rend sa progression mentalement difficile. Heureusement, arrivé au sommet, c’est une formidable descente qui m’attend.
Petite amertume car cela marque la fin de l’altiplano sur lequel je pédale depuis maintenant 5 semaines (Depuis Cuzco au Pérou). Ce magnifique plongeon de 2000m de dénivelé négatif mène à la somptueuse Quebrada de Humahuaca. Les paysages laissent progressivement place à du rouge, du orange, du jaune, voire du violet. La chute vertigineuse se termine à Purmamarca, le village aux sept couleurs. Un village assez touristique mais qui a réussit à garder son charme et ne pas succomber à l’usine du tourisme de masse.
En rejoignant la route 9, au lieu de prendre plein sud, je fais le choix le remonter le Rio Grande pour aller dormir à Tilcara, un village visité deux ans auparavant. Carlito le loueur et réparateur de vélos du village, me conseille sur ma chaine qui commence à sauter au moindre effort : il faut que je remplace la transmission… à Salta car il n’a pas toutes les pièces.
Sur le trajet de Jujuy le lendemain, surprise : Alors que j’avais un vent chaud très agréable dans le dos, en l’espace de quelques centaines de mètres seulement, il tourne subitement et se transforme en une brise très fraîche de face qui divise ma vitesse par deux. Jamais vu ça ! Quelques kilomètres plus loin, pause dejuener dans un petit comedor : Je conseille à tous le fameux lomito argentin (grand sandwich composé d’une escalope panée milanesa, du jambon, des tomates, du fromage, de la salade et un oeuf au plat). Un camionneur engageant la conversation souhaite me payer mon repas, il insiste, j’accepte puisqu’il me paraît sincère. Il m’explique que je viens d’expérimenter la rencontre de deux vents (celui du Sud et celui du Nord). Le vent du sud est moins drôle car il s’accompagne d’une météo beaucoup moins clémente. Il a raison : les derniers kilomètres pour arriver sur Jujuy se font dans un petit crachin très frais.
Jujuy est une grande ville dans laquelle je m’éterniserai pas. La route menant à Salta le lendemain est assez surprenante puisqu’elle présente une verdure insolite alors que l’endroit est plutôt aride. Je croise alors Wouter, un cyclo-touriste belge qui voyage depuis des années !! Il vient de Salta et se rend à Jujuy, il me rassure, j’y suis presque. On en profite pour discuter longuement sur nos expériences et donc conseils en matière d’itinéraire (lui au Sud, moi au Nord).
Salta est une ville assez grande dans laquelle je passerai deux jours notamment pour y réparer mon vélo. Le jour du départ pour Cafayate, je me réveille tôt. La région que je vais parcourir est une des plus belles du Nord-Ouest de l’Argentine : la Quebrada de las Conchas. Cerise sur le gâteau : on prévoit du vent du Nord : donc chaud et dans le dos =D
Peu après le village de La Viña, la route rejoint le Rio Las Conchas. Les premières falaises et canyons font alors leur apparition : j’entre dans la magnifique réserve de la Quebrada de las Conchas.
Après quelques kilomètres à longer le rio et les montagnes orangées, la route débouche sur la Garganta del Diablo (la gorge du diable).
Le soleil commence à descendre dans le ciel, je m’active car j’aimerais arriver à Cafayate avant la nuit. Les couleurs des canyons commencent à devenir rougeâtres.
J’arrive alors dans la ville à la tombée de la nuit, plutôt fatigué après les quelques 180 km (malgré le vent dans le dos). Cafayate est un vignoble touristique qui marque le début de la route des vins.
A partir de ce moment, la route 40 ne sera plus entièrement asphaltée. En me rendant aux ruines de Quilmes, je fais la rencontre de Raphaël un marionnettiste argentin qui parcourt à vélo le pays depuis maintenant quatre mois.
Après le site des ruines de Quilmes, l’asphalte laisse la place à de la piste, du ripio.
Après plusieurs routes parfois très rectilignes et quelques villages, j’atteins 3 jours plus tard la Cuesta de Miranda, un col dont la vallée est très colorée.
Le bout de la vallée mène au village de Villa Union, non loin du parc de Talampaya. Le parc de canyons très beau interdit néanmoins l’accès aux vélos puisque des locations de VTT sont proposées, dommage…
Quelques jours plus tard, j’arrive dans la ville de Mendoza qui marque le retour à des altitudes un peu plus hautes.