Cette partie ne dure qu’une semaine mais ces quelques jours auront le mérite de rester parmi mes plus beaux souvenirs du voyage.
Rappelez-vous, je quittais enfin la route panaméricaine à Ica avec pour objectif de rejoindre Cusco.
Après avoir donc fait un petit détour par l’oasis de Huacachina (voir précédemment), je n’attends plus pour m’enfoncer dans les Andes : cap sur la célèbre capitale inca !!
Je me lance alors sur la première route qui semble mener vers Ayacucho pour pouvoir après rejoindre la route des Incas. J’ai à peine fait 10km qu’un péruvien à moto m’arrête pour me demander où je vais car selon lui, « il n’y a plus rien après le prochain village ». Il me conseille alors de demander à la police de ce même village (San Jose de Los Molinos) qui en saura davantage. Le verdict est assez mitigé : il y a bien une route qui continue jusqu’à Ayacucho mais « va a ser muy duro ». En clair, ça ne va pas être drôle! Les trente premiers kilomètres sont du ripio (de la piste caillouteuse), le reste « devrait » être asphalté. Ces mêmes policiers très sympas me proposent de me dépanner pour le logement car il n’y a rien d’autre dans le village. Après m’avoir proposé de poser ma tente sur le toit du commissariat, ils m’offrent finalement (peut-être en rigolant) le matelas du ‘calabozo’, leur cellule inoccupée ! (porte ouverte bien sûr ^^) J’accepte immédiatement ! (ça, je m’en souviendrai encore dans 20 ans). Ils me disent que c’est l’endroit le plus « seguro » en cas d’attentat, c’est rassurant… Ils m’offrent également le diner, me donnent accès à leur ordinateur pour internet et j’aurai sans surprise le café offert le lendemain matin Drôle de régime pour un gardé à vue !
Départ très matinal le lendemain pour m’attaquer à la cordillère. Sur le trajet, j’ai l’occasion de demander mon chemin à des écoliers qui attendent leur institutrice. Ils faisaient de leur mieux pour m’informer mais ils ne connaissaient au mieux que les quelques villages voisins. Au-delà de 20km, impossible d’obtenir la moindre information sur l’état des routes qui m’attendent.
M’étant fixé d’atteindre avant la nuit le village de Chaulisma, je m’arrête souffler un peu dans un petit hameau alors qu’il me reste 15km. L’épicier me dit alors qu’à Chaulisma, je pourrais dormir dans l’unique « restaurant » dont il connait bien la propriétaire. Il m’écrit alors le nom que je dois demander une fois arrivé la-haut. En fait, c’était un petit rigolo et il m’a donné le surnom de la bonne femme. Je ne saurais jamais vraiment la signification du nom que j’ai annoncé mais au vu des rires qui ont suivi, je pense que ça ne devait pas être très gratifiant (la gentille propriétaire étant un peu costaud, j’avais quelques doutes…). Imaginez un seul instant un étranger totalement inconnu entrer dans votre restaurant perdu dans les Andes et demander : « C’est ici qu’il y a la ‘grosse’ ??!? ». Elle a tout de suite deviné qui était le petit malin à l’origine de ce malentendu et elle m’a rassuré en me disant qu’ils s’entendaient à merveille. Et cela ne m’a pas empêché d’être hébergé gracieusement 🙂
Le lendemain, je repars sur de la piste pour finir l’ascension du col qui ne dure plus très longtemps. S’ensuit alors une descente de près de 1000m de dénivelé pour rejoindre Huaytara. Et là : surprise !! je m’aperçois que le plat du jour c’est 1600m de D+ pour un col à 4500m, surprise de taille d’autant plus que cela représente 39km de montée et qu’il est déjà 13h. Je me lance quand même en me disant : « on verra bien ». Et ben, j’ai bien vu : je n’y suis pas arrivé ! A cette altitude, une fois que le soleil disparait, les températures ne sont d’aucune pitié. Je suis alors contraint d’interrompre mon ascension et de dormir sur place, près de la route à 4400m d’altitude alors qu’il manquait seulement 1km. Cette nuit-là a été particulièrement froide, les gourdes étaient gelées.
Le col est suivi le lendemain par un plateau d’une dizaine de km à 4500m d’altitude. Je continue ensuite mes montagnes russes : je descends à Rumichaca où un nouveau col m’attend : 4750m cette fois-ci. J’ai la chance de me faire accompagner sur 3-4 km par Jonathan un jeune péruvien de 17 ans qui rentrait chez lui à vélo : très sympa !!
Je me dirige enfin vers une ville : Ayacucho. Durant une montée menant à cette grande ville, je me vois offrir par une très gentille dame du maïs et des haricots. J’ai bien tenté d’engager la conversation malheureusement elle ne parlait que le Quechua. Moi-même ne connaissant que trois mots (eau, soleil et manger…), autant dire que le contact n’est pas allé très loin.
De retour enfin à la civilisation à Ayacucho, je ne fais néanmoins que traverser la ville et par mégarde, à la sortie je me « trompe » de route et choisis la route du nord ce qui me vaudra de nouveau un petit séjour dans le fin fond du Pérou. En effet, le soir même, je me retrouve dans un tout petit village (Seccelambras) dans lequel il n’y a bien entendu pas de restaurants/hôtels… Mais qu’importe, je suis invité à aller manger (et boire !) à une petite fête célébrant la fin de la construction collective d’une maison. Je deviens malgré moi très rapidement le centre d’intérêt au sein des habitants. Certains veulent m’apprendre le quechua, mais beaucoup veulent m’entendre parler français et des moments comme ça, il faut en profiter : rien de plus réjouissant de déclarer que je collectionne les ongles de pied devant les yeux émerveillés de gens qui ne comprennent pas un mot ! ^^
Les habitants me proposeront finalement de dormir dans la maison communale. Certains me préviennent qu’elle renferme des esprits. Je pars m’y installer en rigolant mais je dois bien avouer que j’ai fini par mettre mes boules Quies après avoir entendu pendant une heure le vent ouvrir et claquer les portes de cette maison abandonnée.
Au petit matin, comme me l’avaient expliqué les locaux, il se préparait un grand marché au troc (« sin plata ») qui réunissait de nombreux villages voisins. On y voit alors de tout : des vaches, des pièces de voitures, des casseroles, des poulets, des meubles… A la vue de mon vélo, un homme me proposera de l’échanger contre un cheval ^^ Je ne sais pas si c’était une blague mais dans le doute, j’ai poliment décliné l’offre.
Après le village de Chumbes dans lequel j’ai pu dormir dans un restaurant la nuit et celui de Chincheros, j’arrive à Andahaylas, une grande ville. On m’a prévenu qu’il y avait « un paro », une sorte de grève/blocus. Effectivement, les accès à la ville sont très compromis pour les voitures et camions car les habitants se relaient pour encombrer la chaussée de rochers, branches d’arbres etc… le tout pour montrer leur mécontentement envers le gouvernement (problèmes de corruption notamment).
Malgré le blocus, les bus restent disponibles la nuit et je décide alors de m’épargner encore trois cols à plus de 4000m en me rendant directement à Cusco.