15 – Le Sud Lipez : la route des lagunes sous la neige

San Juan, dernière occasion de se réapprovisionner en nourriture, ainsi qu’en outillage devenu maintenant nécessaire.

C’est parti pour encore une bonne semaine avant de rejoindre la frontière chilienne ! Deuxième partie du Sud Lipez : après les salars, direction la route des lagunes !

La sortie du village se fait par une piste relativement roulable, un mélange de sable et de cailloux fins. Les pistes se dédoublent parfois (les cartes communautaires de maps.me sont alors redoutablement efficaces).

La piste débouche sur un immense plateau très venteux au sol très dur sur lequel on peut apercevoir au loin des rails (du moins d’après ma savante déduction car on peut y voir un train en mouvement).

Quelques kilomètres plus tard, au bout du plateau se trouve le camp militaire de Chiguana. Je vais déranger les militaires dans leur tente pour demander de l’eau (Les réapprovisionnement en eau sont rares, mieux vaut n’en manquer aucun !). Un des soldats m’accompagne pour me montrer où remplir ma gourde dans leurs citernes.

Après avoir longé les rails, une petite montée mène à un « col ». Je décide de m’arrêter pour la journée avant de l’entamer. Je campe dans un ancien lit d’une rivière. Je pensais (fièrement) ce coin comme étant la meilleure idée du monde (rapport à la protection du vent etc) ; mais en fait non, il agissait un peu comme couloir 😦

Le lendemain, petit col au réveil ! Alors qu’on s’entende bien, un col sur l’altiplano est une ascension de quelques mètres, mais sur un terrain aussi impitoyable que les pistes du Sud Lipez, autant dire que le moindre dénivelé n’est pas le meilleur ami du moment. En haut du col se trouve un petit dédale de pistes tracées au gré des envies des 4×4. Les couleurs sont belles, le relief est de type canyon.

J’arrive plus tard sur une piste légèrement asphaltée (je vous laisse imaginer ce que veut dire légèrement). Apres seulement 500m de cette piste, il est déjà temps de la quitter pour prendre de nouveau la direction du sud où attend sagement un nouveau col bien sympathique que je n’entamerai pas aujourd’hui puiqu’il est trop tard. Petite nuit au pied du col donc.

Le lendemain matin, au moment de s’engager sur le col, c’est le début du bal des 4×4 :/ (Les excursions ayant des horaires extrêmement similaires, on rencontre parfois des colonnes de véhicules très rapprochés). Je me fais donc doubler dans l’ascension par une dizaine de 4×4 remplis chacun de 4-5 touristes et leur guide. Une petite minorité de touristes me prend en photo sans un sourire, ni même un regard, du moins sans un quelconque signe apparent montrant qu’ils comprennent que je suis autre chose qu’un vulgaire cactus. Mais heureusement, la grande majorité m’encourage par des sourires, des pouces en l’air ou de vive voix ce qui fait chaud au moral !! Là haut, une petite descente très sableuse, et très sillonnée. Facile physiquement mais difficile techniquement. La première lagune va bientôt faire son apparition ; ça y est, on aperçoit la laguna Canapa dont une partie est gelée (Juillet est un des mois les plus froids).

C’est le tour ensuite de la laguna Hédionda où l’on peut trouver l’écoLodge Los Flamencos (une sorte d’hôtel de luxe perdu sur l’altiplano avec des chambres à plusieurs centaines d’euros la nuit…). N’ayant pourtant pas l’air d’un prince quatari de passage dans la région, le personnel est aux petits soins avec moi. A peine ai-je demandé si je pouvais me ravitailler en eau (normalement payante en bouteille), qu’on me demande mes gourdes pour les remplir. On m’offre aussi du pain et une soupe. Très sympathique ! Des touristes se pressent également pour me proposer de l’eau me prenant probablement pour un aventurier perdu n’ayant pas vu une goutte d’eau depuis 3 jours ^^

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Cadeau culinaire 🙂

La route sur le reste des lagunes est toujours correcte mais elle se dégrade progressivement. Les sillons laissés par les 4×4 laissent penser qu’on évolue dans un champ labouré. Je décide de planter ma tente dans ce champ de terre. Certainement pas le plus intelligent dans cet endroit très exposé, mais coup de chance pas de vent cette nuit-là.

Le jour suivant marque l’apparition de la neige au sol. Dès 4500m d’altitude, on commence à voir quelques traces de glace et de neige. Nulle mention de cela dans les blogs! On m’a pourtant prévenu qu’il avait neigé récemment ! L’ascension se poursuit avec une petite appréhension : la neige va t-elle compromettre un passage en vélo ? A 4700m, la neige couvre maintenant une bonne majorité du paysage. A partir d’un certain moment, la progression à vélo est quasi-impossible. Je décide d’utiliser mon drone pour trouver une piste tracée par des 4×4…

Ayant localisé la piste qui mène à l’Arbol de Piedra et la Laguna Colorada, je la rejoins aussitôt mais je dois pousser cependant un peu car la neige tassée a fondu laissant place à de la boue pas très drôle. Je dois camper au plus vite car la nuit va tomber. 

Au petit matin, les gourdes sont toutes gelées, brrr. Je me dirige donc vers l’Arbol de Piedra. En y arrivant, je vois un 4×4, en toute innocence, j’attends qu’il s’en aille pour profiter seul de cet édifice rocheux que les vents violents ont sculptés en une forme d’arbre. Mais seulement voilà, deux 4×4 au loin font leur apparition, puis deux autres puis en fait une dizaine, une véritable caravane. La majorité des excursions ont le même timing à la demi-heure près. Je me retrouve donc au beau milieu d’une cinquantaine de touristes. Leurs guides leur laissant une poignée de minutes pour faire quelques photos, ils repartent aussi vite qu’ils sont apparus.

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Je me lance quelques temps plus tard dans la direction de la laguna Colorada. Je subis alors sur ce court chemin un problème de porte bagage (!!) que je règle à l’aide de serre-cable (très utile d’en avoir sur soi). J’arrive alors assez tard aux refuges de la Laguna Colorada. En principe, à cet endroit, on doit s’acquitter de 150 BOL (20€) pour l’entrée du parc. A cette heure-ci, personne au poste de garde, on dira que je ne savais pas…

A l’arrivée aux refuges, un guide vient à ma rencontre. Curieux, comme beaucoup il me pose les questions d’usage : d’où je viens, où je vais, pourquoi tant de souffrance etc 🙂 Il me demande si j’ai assez de vivres. Devant l’absence d’un non catégorique (héhé), il s’empresse d’aller se servir dans son 4×4 et revient avec du riz, du lait et chocolat en poudre ainsi que du pain, provenant vraisemblablement de la réserve de ses clients : Pour les touristes ayant eu pour guide un certain Raúl très sympathique, désolé hein, le chocolat était très bon 😉

Je demande à tout hasard aux gardiens de refuge s’il leur reste de la place. Les propriétaires des refuges ont l’habitude de traiter avec des tours opérateurs, j’obtiens alors pour 45 BOL (6€) un dortoir complet et le diner. J’avoue que c’est quand même plus agréable que de dormir dans les températures glaciales de dehors.

Je partage donc le diner avec des touristes européens. Alors que nous jouons aux cartes, les guides passent prévenir leurs groupes respectifs que demain le petit déjeuner sera servi à 4h du matin. Je pensais à une blague (que je trouvais drôle), personne ne souriait, probablement pas une blague finalement…

Effectivement, à mon réveil le lendemain à 8h, le refuge est déserté, j’ai le plaisir de trouver les restes d’un petit déjeuner qu’il aurait été dommage de laisser moisir ^^ Des pencakes faits maison 🙂

Pour ma part, impossible de pédaler tant que le soleil ne s’est pas levé (température glaciale!). Dès 9h, je me lance alors le long du littoral de la Laguna Colorada qui porte bien son nom.

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Ses couleurs pourpres voire couleur sang sont impressionnantes. Quelques rares flamands roses au loin, plus rares en cette période.

Le point culminant du voyage m’attend maintenant : un col à 4920m. Je croise en chemin un jeune couple qui en revient avec une petite voiture type C15. Je me demande comment ils ont fait ! Ils m’expliquent que la piste n’est pas marrante (ça je savais).

Avant de me lancer sur son ascension l’ascension, je traverse un beau plateau (mais c’est de la véritable tôle ondulée, impossible de dépasser les 10km/h).

L’ascension du col débute alors, la piste est caillouteuse, un peu de boue et neige mêlées compliquent la tâche. Près de 700 mètres de dénivelé ! (L’altiplano n’est-il pas censé être « plano » ?) A quelques km de la fin de l’ascension, vient un passage un peu délicat. Une gigantesque flaque entre deux petits murs de neige. Il semble possible de longer un passage sec mais glacé (ou glacé mais sec… c’est selon). Deux options donc : une boue verglacée en pente (une vraie patinoire) ou bien 40 cm d’eau à 3°C. Optant (naturellement?) pour la première option, je suis rapidement contraint de tester la seconde ^^

Je continue alors l’ascension du col avec le pied droit glacé et trempé, mais il n’est pas très malin de continuer avec ces températures. Je décide alors de camper un plein milieu d’un plateau semi-enneigé. 4800m d’altitude, ce sera probablement la nuit la plus haute et aussi probablement la plus froide. Dans la tente, j’étale le plus d’affaires pour emmagasiner de la chaleur et j’en suspends à une ficelle dans la tente pour abaisser le plafond de chaleur.

Les vents du lendemain me m’aideront pas à démonter ma tente. Alors que je prépare mes affaires, trois cyclistes fatbikers viennent à ma rencontre. Il s’agit des trois allemands rencontrés à Cuzco au Pérou, le monde des cyclos est petit ! Ils me conseillent de ne pas m’éterniser sur le plateau car le vent y est particulièrement violent, inutile de se refroidir. Le vent n’est effectivement pas très drôle. A vélo, les pieds moins sollicités m’imposent un mini-footing de temps en temps pour réveiller les doigts de pied!

Le haut du col est marqué notamment par la présence de geysers qu’on appelle El sol de Manana.

Je ne m’éternise pas dans ces conditions particulièrement difficiles, j’entame alors la redescente jusqu’à la Laguna Chaviri. De nouveau, les vents glaciaux sont impitoyables mais heureusement le soleil réchauffe.

500 mètres plus bas, à Polques, se trouvent les bains d’eau chaude ainsi qu’un petit restaurant. Les fils de la propriétaire me disent que leur mère sera d’accord pour que je m’y installe gratuitement pour la nuit. Ils commencent alors à me préparer le repas. Une fois la duena arrivée, elle confirme que ma présence est la bienvenue et insiste pour m’offrir le repas mais je refuse et paie les 20BOL (3€).

C’est l’occasion alors de réparer mes petits drapeaux dont le mat en bambou colombien s’était brisé dans le salar de Uyuni, j’ai en effet pu dénicher un autre morceau de bambou chez la famille qui m’avait hébergé lors de ma mésaventure de pneus.

Je pars enfin pour le désert de Dali qui marque le dernier jour. Il s’agit d’un jour plutôt facile comparés aux autres, peu de vent et peu de relief.

 

Le volcan Licancabur qui marque la foncière avec le Chili est maintenant pleinement visible, les lagunas Verde et Blanca approchent donc également.

En arrivant au panorama des deux lagunes, je suscite un regard prolongé d’un jeune touriste qui finit par me dire « Salut !! », le petit drapeau breton à présent sorti a de nouveau de son petit succès.

Il ne reste plus beaucoup de km avant de rejoindre la frontière chilienne. J’emprunte le chemin entre les lagunas Verde et Blanca.

Après avoir passé le poste douanier bolivien, il reste quelques mètres de piste avant de rejoindre l’asphalte du Chili. Je n’avais pas vu une si belle route depuis 12 jours, entre sel, sable, boue, neige, glace, j’avais fini pas oublier à quoi cela ressemblait. La Bolivie, c’est fini, c’est difficile mais ces quelques jours figureront parmi les plus mémorables !

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Fin du périple bolivien